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Avis sur la traite à des fins de contrainte à commettre tout crime ou délit


Le 7 avril 2024, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (C.N.C.D.H.) a publié au journal officiel un « Avis sur la traite à des fins de contrainte à commettre tout crime ou délit », afin de donner des conseils pour mieux y répondre, surtout qu’il pourrait y avoir une recrudescence du nombre de victimes avec l’approche des Jeux Olympiques.

Pourquoi cet avis ?


Cet avis fait suite au « procès du Trocadéro », dans lequel six hommes algériens ont été placé en accusation et condamnés (trois ont fait appel) pour avoir encouragé « de jeunes mineurs non accompagnés d’origine marocaine ou algérienne à se droguer pour pouvoir ensuite les contraindre à commettre des vols » (Citation tirée de l’avis).
De plus, selon l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (O.N.U.D.C.) il a été enregistré en 2020 une augmentation de la traite d’êtres humains : le nombre de victimes a augmentée de 6 % entre 2019 et 2020 passant à 3,6 victimes pour 100 000 personnes, ces chiffres ne correspondant qu’à l’Europe de l’Ouest et à celle du Sud. Dans ce nombre, la part de mineurs parmi les victimes a augmentée de 25 % entre 2019 et 2020, passant de 1,14 mineurs pour 100 000 en 2019 à 1,39 pour 100 000 en 2020.
Le plus inquiétant, toujours selon l’O.N.U.D.C., c’est que depuis 2014, pour les deux catégories évoquées plus haut, le nombre de victimes n’a pas cessé d’augmenter. Il est passé, pour l’ensemble des victimes, de 0,94 victimes pour 100 000 personnes en 2014 à 3,6 pour 100 000 en 2020 et, pour les mineurs, de 0,27 victimes pour 100 000 en 2014 à 1,39 pour 100 000 en 2020.

Le Télégraphe - Graphique de l'évolution de la traite d'êtres humains

Malgré ces chiffres, il n’existe pas d’office centralisé pour traiter les plaintes pour traite d’êtres humains, ce qui ne permet pas une réponse efficace. Il y a bien un Office Central de Répression contre la Traite des Êtres Humains (O.C.R.T.E.H.), mais celui-ci ne s’occupe en fait que de la lutte contre l’exploitation sexuelle, la lutte contre les autres exploitations étant répartie dans d’autres offices aux noms parfois trompeurs, et sans qu’il n’existe d’annuaire pour savoir qui contacter.
La plupart des policier et gendarmes (ce sont souvent eux qui sont en première ligne face à ce phénomène) ne sont pas formés pour recueillir les témoignages de victimes, et s’y prennent souvent mal, ce qui, là aussi, ne permet pas une réponse efficace à la traite d’êtres humains, puisque la victime, ne se sentant pas en confiance, risque de ne plus vouloir témoigner, et risque de s’enfoncer dans une spirale du silence.
Enfin, la traite d’êtres humains est une réalité très peu documentée, et dont on n'entend pas souvent parler, exception faite pour le procès du Trocadéro. Ce manque de visibilité ne permet pas la mise en œuvre d’une politique suffisante pour l’empêcher. De plus, comme certaines victimes ont commis des délits, elles sont souvent considérées comme des délinquantes-victimes, ce qui les pousse à se taire. Elles devraient au contraire être uniquement considérées comme des victimes : ce n’est pas de leur plein gré qu’elles ont commis des délits, on les y a contraint.
Suite à cela, onze députés trans partisans ont demandé un avis à la C.N.C.D.H. « aux fins de poser un diagnostic sur l’ampleur, les contours et les spécificités de cette forme et organisation de traite en France, comme sur les modalités de la réponse apportée par les pouvoirs publics » (Citation tirée de l’avis).


Comment est définie la traite d’êtres humains ?


« La traite des êtres humains est le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit »
(Code pénal, article 225-4-1)


Pour le procès du Trocadéro, les accusés se voient donc reprocher de contraindre des mineurs à commettre des délits, ici des vols, en échange d’une rémunération, ici de la drogue. Cela est passible de 7 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.


Recommandations


Le C.N.D.H. formule de nombreuses recommandations, notamment celle de plus sensibiliser au fait qu’un délinquant soit en fait victime et non coupable-victime (recommandation 1), celle de centraliser la lutte contre la traite d’êtres humains au sein d’offices clairement identifiés (recommandation 7), celle d’intégrer aux programmes scolaires d’E.M.C. une partie axée sur la sensibilisation à la traite d’êtres humains (recommandation 15), celle de garantir un hébergement sécurisé pour les victimes (recommandation 28). En outre, le C.N.D.H. précise que « La priorité est d’aller vers les victimes, de créer les conditions de la confiance avant de pouvoir envisager tout témoignage, toute dénonciation. » (point 69).

« Le C.N.C.D.H. exhorte les pouvoirs publics à considérer toute personne contrainte à commettre tout crime ou délit comme une victime titulaire de droits et non comme l’auteur d’une infraction. Il s’agit d’appliquer le principe de non-sanction promu par les Nations unies. La C.N.C.D.H. appelle également les politiques à prendre toutes les mesures qui s’imposent tant pour accompagner les victimes dans leur parcours de soin et de reconstruction physique et psychique que pour investiguer sur les réseaux et ateliers de production illégale de médicaments, contrefaits ou non. C’est un enjeu de santé publique majeur. »
Avis sur la traite à des fins de contrainte à commettre tout crime ou délit (A-2024-2) (C.N.C.D.H), point 108

Le Télégraphe

Source des données :
Avis sur la traite à des fins de contrainte à commettre tout crime ou délit (A-2024-2) (C.N.C.D.H) (version publiée au journal officiel) / (Version publiée par le C.N.C.D.H.)
Code Pénal français
Global Report on Trafficking in Persons 2022 (O.N.U.D.C) (en anglais)


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